La littérature occupe, parmi les arts, une place très singulière, dans la mesure où le matériau sur lequel travaille l’écrivain est le dialecte même de la vie. De là, certes, une fraîcheur particulière et une immédiateté de contact avec le public, qui est préparé à le comprendre. De là, aussi, une curieuse limitation.(…) La littérature seule est condamnée à travailler par assemblages de mots rigides, définis à l’avance.(…) Et c’est un art singulier, en vérité, que de prendre ces cubes, grossièrement conçus pour les besoins du marché, pour réussir à force de tact, d’application, à leur faire exprimer les plus fines nuances, les distinctions les plus subtiles, ou bien, au contraire, à les restaurer dans leur énergie primitive, les conduire habilement vers un dénouement inattendu ou les entrechoquer pour faire naître les passions.
R.L Stevenson – Essais sur l’art de la fiction