Plus l’émiettement des valeurs se poursuit et plus la répartition des forces du monde devient donc chaotique, plus il devient nécessaire de dépenser des ressources artistiques accrues pour venir à bout de concentrer ces forces et pour réaliser cette concentration.
Bien plus, la dépense devient si grande et de nature si compliquée que (…) les oeuvres reflétant la totalité deviennent non seulement de plus en plus rares à l’intérieur de la production artistique universelle, mais elles deviennent aussi toujours plus compliquées et inaccessibles.
Devant cet état de fait, ne se pose-t-il pas le problème de savoir si un monde où l’émiettement des valeurs s’accroît constamment ne doit pas après tout renoncer absolument à être embrassé tout entier par l’oeuvre d’art, et s’il ne devient donc pas “impossible à reproduire”. Cette question, capitale pour la production artistique de l’époque présente, ne peut toutefois recevoir une réponse que de l’oeuvre d’art elle-même (…)
Hermann Broch, James Joyce et le temps présent, Création littéraire et connaissance, éditions Gallimard